La reprise de logement : quelles sont les règles à considérer?

21 novembre, 2024

La reprise de logement : quelles sont les règles à considérer?

En matière de bail d’habitation, le Code civil du Québec (CcQ) prévoit que le locataire a un droit personnel au maintien dans les lieux, sauf exceptions prévues par la loi. Ainsi, le propriétaire d’un immeuble locatif qui désire reprendre un logement devra démontrer qu’il respecte les critères de ces exceptions.

Dans cette optique, le titulaire de permis qui représente un client désirant reprendre un logement, notamment lors de l’acquisition d’un immeuble, doit connaître et maîtriser le contenu de ces exceptions afin d’être en phase avec ses obligations de conseil et d’information. Afin de réduire les risques en matière de responsabilité professionnelle, nous vous invitons à consulter le site internet du Tribunal administratif du logement (TAL) qui regorge d’informations sur ce sujet. C’est également une bonne pratique d’y référer vos clients dès l’acceptation d’un tel mandat afin qu’ils puissent mieux comprendre vos conseils ou vos explications.

Situations permettant la reprise du logement

C’est à l’article 1957 du Code civil du Québec que se trouvent les critères donnant ouverture à la reprise du logement. En vertu de cet article, la reprise de logement est permise si le propriétaire désire :

  • se loger;
  • loger ses enfants ou ses parents;
  • loger tout autre parent ou membre de sa belle-famille s’il est le principal soutien de ces personnes;
  • loger son ex-conjoint (marié ou de fait), avec lequel il était marié ou uni civilement, s’il en demeure le principal soutien.

À défaut de se retrouver dans une de ces situations, le propriétaire qui désire reprendre un logement devra le faire avec le consentement du locataire.

Tous les propriétaires ne peuvent reprendre un logement

Il est à noter que selon l’article 1957 du CcQ, ce ne sont pas tous les propriétaires qui peuvent reprendre un logement. En effet, la reprise de logement sera interdite :

  • aux sociétés par actions considérant qu’elles n’ont, par définition, ni ascendants ni descendants ni conjoints, et ce, même si elles n’ont qu’un seul actionnaire ou un seul administrateur.
  • s’il y a plus d’un propriétaire. En effet, l’article 1958 du CcQ est clair à ce sujet : « Le propriétaire d’une part indivise d’un immeuble ne peut reprendre aucun logement s’y trouvant, à moins qu’il n’y ait qu’un seul autre propriétaire et que ce dernier soit son conjoint. »
    • Ainsi, s’il y a deux propriétaires, ils doivent être des conjoints pour avoir le droit de reprendre un logement. À trois propriétaires et plus, c’est tout simplement impossible.
    • Les unités détenues en copropriété indivise soulèvent une problématique. Bien que l’unité acquise soit à l’usage exclusif de l’acquéreur, aux termes de la convention d’indivision, il reste que l’immeuble entier est détenu par plus d’une personne. Par conséquent, il faudra aviser les nouveaux acquéreurs qu’ils devront obligatoirement s’entendre avec le locataire pour pouvoir reprendre le logement et s’y loger.

D’autres situations où la reprise du logement est interdite

Il y a d’autres situations qui limitent ou interdisent la reprise du logement. Tout d’abord, un logement ne peut être repris que si aucun autre logement semblable n’est pas disponible1.

Deuxièmement, un logement occupé par une personne de 70 ans ou plus depuis au moins 10 ans, et ayant un revenu la qualifiant pour un logement à loyer modique, ne peut être repris par le propriétaire que sur entente avec le locataire2.

La reprise de logement : l’avis obligatoire

Afin de protéger le locataire d’une reprise abusive et de dernière minute, le CcQ encadre rigoureusement le contenu de l’avis à donner préalablement, ainsi que le délai à respecter. Il est à noter que la personne qui veut reprendre un logement est celle qui doit faire parvenir l’avis aux locataires. Il importe donc que l’acheteur devienne propriétaire de l’immeuble avant la date ultime d’expédition de l’avis et qu’il s’assure que l’avis parvienne au locataire avant la fin du délai.

Ces délais sont de :

  • 6 mois avant la fin du bail si le bail ou son renouvellement est d’une durée de plus de 6 mois;
  • 1 mois avant la fin du bail si le bail ou son renouvellement est d’une durée de 6 mois ou moins;
  • 6 mois avant la reprise du logement si le bail est d’une durée indéterminée.

Considérant que l’avis doit comporter des mentions précises, il est fortement recommandé d’utiliser le modèle offert par le TAL. Les propriétaires s’assurent ainsi qu’en remplissant chacune des sections, ils fourniront toute l’information nécessaire pour avoir un avis conforme aux exigences. C’est également pour cette raison qu’il est recommandé au titulaire de permis de ne pas s’aventurer à rédiger un avis de reprise de logement à partir de rien.

Ne jamais garantir les résultats d’une reprise de logement

Il n’est jamais certain qu’une reprise de logement s’effectuera sans encombre. Même si le nouveau propriétaire répond à tous les critères, il pourrait néanmoins se retrouver devant un locataire refusant l’avis de reprise. Ainsi, le titulaire de permis ne devrait jamais garantir le résultat. Il doit aviser les acheteurs que nul n’est à l’abri d’une contestation, et ce, même sans fondement.

Dans une telle situation, si les nouveaux acheteurs désirent toujours reprendre un logement, ils devront recourir au TAL avec tous les délais que cela peut impliquer. Il est également recommandé de ne jamais garantir le résultat d’un tel recours.

Même un engagement à quitter les lieux, signé par le locataire, n’offre aucune garantie que la reprise se fera sans heurts. Par exemple, un locataire ayant consenti à quitter les lieux, en croyant que la loi l’oblige à céder le logement aux nouveaux propriétaires qui souhaitent y loger leur fille, pourrait fort bien revenir sur sa décision s’il apprenait que l’immeuble a été acquis par trois acquéreurs ou par une société par actions.

Un titulaire de permis bien avisé et qui désire protéger son client vendeur verra donc à ne pas garantir le résultat de la reprise de logement ou celui des procédures au TAL.

En terminant, il est essentiel de bien connaître vos clients acheteurs ainsi que leurs intentions afin de mieux les conseiller et les informer. Nous vous recommandons de documenter consciencieusement votre dossier quant aux intentions de vos clients et aux conseils prodigués. S’ils changent d’idée, vous serez ainsi en mesure de démontrer que vous avez respecté vos obligations, ce qui réduira les risques de voir votre responsabilité professionnelle engagée.

Dans tous les cas, si vous n’êtes pas certain d’avoir la réponse à une question, n’hésitez pas à obtenir des conseils auprès de votre DA ou de vos confrères spécialisés en la matière. Vous pourriez même recommander à vos clients de consulter des spécialistes dans ce domaine d’expertise, et ce, même s’il existe déjà un litige au TAL.

La prévention, votre meilleure solution!